29 of March 2025

LES MAUVAISES HERBES N’EXISTENT PAS

Another Dandelion Fantasy, Okay Drops à Plex Athènes, commissariat Captain Stavros et Zoé Metra

Je crois qu’il faut être naif ou extrêmement courageux pour continuer à faire de l’art dans un monde aussi fucked up. 

Il n’y a pas si longtemps, les enfants qu’on était soufflaient sur des pissenlits pour savoir si leurs crushs de maternelle les aimaient en retour. Il y en a beaucoup moins sur les trottoires des villes dans lesquelles on a atteri. Les crushs en question - le petit Maxime et le grand Panayotis - sont tombés du mauvais côté de l’hémicycle. Je le sais parce qu’on est encore amis sur Facebook et que je vois passer les drapeaux entre un coucher de soleil et un paté en croute. Je ne sais toujours pas ce qui m’a sauvé. Ma queerness, l’art ou le pissenlit sur lequel j’ai soufflé il y a 20 ans en faisant un voeux différent du leur. 

C’est drôle de faire courir son esprit sur ce geste enfantin. En y pensant, je me dis qu’on pourrait presque écrire une petite histoire de l’art récent calqué sur les âges de la vie. C’était facile d’être moderne. L’enfant (qui pour les mentalités de l’époque incluent d’ailleurs le sauvage et le fou) tenait la barre d’une authenticité fantasmée. C’est une idée séduisante de repartir à zéro. Le poète surréaliste Yorgos V. Magris disait vouloir “faire sauter l’acropole”, probablement justement pour se délester du poids d’un passé trop lourd à porter. J’imagine le scandale si Breton avait dit la même chose du Panthéon. Comme ils avaient plus l’amour de la formule que de l’action, c’est le postmodernisme qui à tout dézingué. Le bel idéal de l’authenticité de l’enfant à volé en éclat quand on s’est rendu compte qu’on avait bricolé des catégories pour mieux controler les individus qu’elles désignent. Le postmoderne, c’est un ado en crise qui bouffe à tous les rateliers de l’identité pour tenter de construire la sienne. Chez lui rien n’est vrai mais tout n’est pas faux. D’autant plus depuis qu’il a dupliqué son existence sur internet. C’est compliqué et surtout ça n’offre pas vraiment les perspectives poético-politiques pour échapper à l’autophagie capitaliste que proposait la modernité. On en est là : nostalgiques d’une enfance qui n’a jamais vraiment eu lieu comme on nous l’a raconté et frankensteinisé par un multiculturalisme ultra-consummériste. Pour la jeunesse vieillissante, la page blanche est une angoisse, le ratelier identitaire une désillusion. 

Alors non, on ne fera sauter ni l’Acropole ni le Panthéon mais on peut se rassurer en se souvenant que la démocratie athénienne c’était pas pour tout le monde et que les révolutionnaires français coupaient les têtes de ceux avec lesquels ils n’étaient pas d’accord. On digère et on repart en quête des fissures de la ville-monde pour retrouver ces petites boules blanches qui nous ont déjà sauvé une fois. C’est pas de la naiveté c’est du courage. Parce que personne ne fait de l’art sans aspirer à quelque chose de meilleur. C’est la beauté de la spontanéité des Dandelion seekers, un terreau commun de compréhension des expériences atomisées d’une génération. C’est ce qui fait communauté. Celle-ci parcoure la ville-monde ou le digital realm santiague ou poulaine au pied, comme pour requoncérire son avenir. Elle à fondu ses jouets pour en faire des épées et déchiré la veste militaire de papa pour en faire une jupe plissée. 

L’avantage c’est que les pissenlits c’est comme la gentrification. Ça pousse partout : Ă  Athènes qui est le nouveau Berlin qui est le nouveau Paris qui est le nouveau New-York qui lui-mĂŞme, il fut un temps, Ă©tait le nouveau Paris. Les mauvaises herbes n’existent pas. Il n’y a que de mauvais jardiniers dans des jardins mal foutus. Pas de miracle dans ces pseudo-transmutations urbaines. On fuit le monde qui nous rattrape. On cherche des pissenlits pour souffler Ă  nouveau.Â